Vendredi soir à Paris, la pluie*. L humidité qui transperce les os comme cette ville sait aussi si bien le faire. Boulevard des Capucines, en haut de l’Olympia, les lettres rouges crient Zazie.
2001. L’actualité musicale de l’automne c’est le nouvel album solo de Jean-Jacques Goldman. J’ai presque vingt ans et je compte les jours avant sa sortie chez mon disquaire. Tellement attendu, cet album était prévu pour tourner en boucle sur ma chaine hifi.
Mais un mois plus tôt est sorti un autre album. Un disque dont je connais la qualité mais dont je ne pense pas qu’il puisse concurrencer celui que j’attends. Cet album, c’est la Zizanie. Zazie. Cette fille qui m’avait déjà transpercé le cœur avec son Made in Love trois ans plus tôt réitère un mois avant Goldman. Peut-on aimer autant en même temps ?
I love you all
Très vite cette Zizanie va mettre le bazar dans mon panthéon discographique. J’écoute. Beaucoup. Plus que « l’autre » que j’aime pourtant tellement, presque inconditionnellement. Alors je culpabilise. Parce que les treize titres de cet album me touchent fort, presque intimement.
Mais il y a Goldman quand même. C’était écrit, Goldman devait tout emporter sur son passage. Et puis, il y a On éteint, Aux armes Citoyennes, Cheese, Qui M aime me Fuit, et les sublimes Si j’étais moi et Sur toi.
Zazie chante les mots que je vis sans savoir les dire.
Effrontée, révoltée, profond et sincère. Vrai. La zizanie, elle va la semer jusque dans ma garde robe. Sur la tournée qui suit , elle porte sur scène une guêpière par dessus un jean. Je veux la même. Mes copains font une collecte pour mon anniversaire. Je l’ai. Je la porte dans la rue, sous un blouson en jean pour faire baisser les aigus des cris de ma mère. J’ai vu le concert 5 fois. Salles, Festival, Bataclan.
Dire ce qu’on danse
Depuis Jean-Jacques Goldman a cessé de faire des albums. Je me suis donc plus jamais sentie coupable d’écouter son album moins qu’un autre à sa sortie. J’ai aimé Rodéo, Totem et Encore Heureux autant que l’introspectif Cyclo. Je ne me suis pas perdue dans 7. Essenciel, et nos âmes sont… belles.
Alors, ce soir devant elle, devant Edith, Marie, Julien, Arnaud ou Philippe sur la scène de l’Olympia, je me cache derrière l’objectif de mon appareil photo. J’ai peur de rater l’instant, la seconde. De ne pas arriver à sortir LA photo qui me fera dire « sur cette image on entend la musique ou on ressent cette émotion ». Parce qu’il faut y être, une photo ne remplace pas une présence. C’est comme un passage de témoin, la carte postale d’un joli voyage que l’on partage avec ceux qu’on aime pour leur dire « allez y là-bas c’est beau et on s’y sent bien »
Alors courez y. Elle sera bientôt partout, et bien sûr près de chez vous.
*l’article a été originalement écrit pour la soirée du 15 novembre à l’Olympia. D’où le vendredi. Et la pluie.
NB : article paru initialement sur Soul Kitchen Webzine. Autorisation de photographier exclusive SK*