The New Abnormal: ne cherchez pas ça ne ressemble à rien d’autre…

The New Abnormal: ne cherchez pas ça ne ressemble à rien d’autre…
Strokes

Et c’est normal parce que c’est les Strokes.

Le nouvel album tant attendu des Strokes est sorti le 10 avril. Et tout le monde en parle. Alors pourquoi pas nous…aussi ? Parce que les Strokes on les aime. Et surtout Julian (oui, on avoue).

Alors, sur ce nouvel album, on a lu toutes les critiques (ou presque) ! On a surtout lu les textes et écouté les musiques. Et on a essayé de se mettre dans la tête de Julian. Dans un petit morceau seulement. Et on vous raconte ce qu’on croit y avoir vu et qui peut vous – nous – parler de l’album.

Laissons parler les adultes…

C’est en 2001 que Julian Casablancas, Nick Valensi, Fabrizio Moretti, Albert Hammond et Nikolaï Fraiture, 5 new-yorkais au look adulescent inspiré des années lycée durant lesquelles ils se sont rencontrés, sortent Is This it, leur premier album dont la réputation ne sera jamais démentie.

Désignés comme les sauveurs d’une scène rock à bout de souffle, les Strokes deviennent alors LA référence de la scène rock indépendante, en proposant un son atypique mettant en avant puissance des guitares seules, dans un style mêlant garage rock et post punk.

Loin d’être uniquement atypique sur le plan musical, cet album se distingue aussi grâce à la voix originale sublimant des textes forts du chanteur et auteur, Julian Casablancas, à l’opposé des refrains de la pop music parfois mièvre et légère dont le groupe veut absolument se différencier.

Faudra-t-il tuer le père ?

Is this it est suivi et confirmé par Room on fire, qui deviennent lespilier fondateurs aussi mythiques que perturbants du band newyorkais. Après First impression on Earth, leur 3e opus, le groupe s’accorde quatre années de pause pendant laquelle chacun des membres du groupe va expérimenter une carrière solo. Julian sort Phrazes for the Young, dans lequel il démontre que son génie artistique ne dépend en aucun cas d’un groupe. Lui qui était faondamentalement attaché aux pouvoirs des guitares fortes supportant la voix, il découvre le pouvoir des synthés dans la réalisation de ses titres.

Son retour avec les Strokes en 2011 avec Angles se ressent avec notamment l’apparition de claviers, dans les différentes sonorités électriques – et éclectiques – expérimentés par le groupe dans cet album, comme dans le suivant, Comedown Machine (2013).

Les deux derniers albums sont fortement critiqués par les fans historiques du groupe, qui reprochent à leurs idoles de renier leurs racines et de s’éloigner de l’essence ce qui a fait leur succès, le rock garage. Tant et si bien que lors des concerts donnés dans les festivals Lollapalooza à l’été 2019 ou ceux avant la sortie de l’album début 2020, le groupe ne jouera aucun titre de Angles ni de Comedown machine.

Une volonté de faire plaisir aux fans en se concentrant sur les fondamentaux ? La promesse non dite de faire (enfin, pour certains) de l’album prochain le jumeau actualisé de Is this it ?

C’était tout sauf ce que voulait Julian.

Changer tout, tout le temps. Une Bad décision, vraiment ? De la dérision plutôt.

The New Abnormal ne ressemble en effet à aucun des autres albums des Strokes. Et ça ne ressemble à rien d’autre d’ailleurs. Et c’est normal, parce que c’est les Strokes. Alors un album « riche de promesses non tenues » pour Le Monde, ou un « néo-rock sur les rotules » et « totalement désorienté » pour Libération ?

Ces critiques, le groupe, et Julian en tête, les attendaient, puisqu’elles sont les mêmes depuis huit ans. Alors il leur a répondu d’emblée. Sur le premier titre. Sur « Adults are talking », le « vous » fictif, récurrent dans les titres de Julian, est utilisé décrire une relation amoureuse qui est ne fait la métaphore d’une autre relation. Cette « autre » on la devine dans l’outro. Dix secondes de dialogue en sourdine de Julian avec ses comparses. Dix secondes dans lesquelles ils s’interrogent sur le ton de la dérision sur le côté trop « excentrique » pour les fans « historiques » de ce titre. Revenons aux anciens sons, aux ancien rythmes disent-il en plaisantant.

Ces fans qui refusent le changement, le groupe va les tourner en dérision de manière encore plus poussée. Ainsi, le titre Bad décisions, qui est samplé sur un vieux titre de 1981 de Billy Idol, Dancing with myself. Une façon de montrer aux détracteurs de la créativité sans cesse renouvelée du groupe que ce n’est pas une « mauvaise décision ». En effet, il est inepte de vouloir sans cesse revenir à l’ancien (même si Bad décisions sonne comme un basique des Strokes), pour faire quelque chose de nouveau.

Sur la même veine, la très funky Brooklyn Bridge to Chorus pose la question de la suite. Faut-il en musique, toujours aller du pont au refrain, c’est à dire de revenir sans cesse à la même chose ? Peut-on enfin, grâce au pont, tourner la page des années 2000 ?

ET ÉCOUTONS JULIAN CHANTER.

Alors effectivement, ne cherchez pas, cet album ne ressemble à aucun autre. Et c’est normal parce que c’est les Strokes. Parce que, comme il est dit très métaphoriquement dans Bad Décisions, parce qu’on ne peut pas à chaque fois, revenir aux gants (la couverture de Is This it) ou aux pistolets (celle de Room en Fire), il faut tourner la page et créer quelque chose de nouveau.

Et l’essence des Strokes, c’est leur capacité à proposer sans cesse ce qui n’existe pas encore.

Dans ce nouvel album, les Strokes s’interrogent dans des morceaux bien plus écrits que dans les albums précédent, sur le changement justement, celui qu’on leur reproche, celui qui est nécessaire comme celui qui blesse. Parce que l’été de peut pas être éternel (Eternal Sunshine), nous devons constamment changer, créer, faire, pour avancer, ne jamais être rassasié de rien pour toujours avoir envie de recommencer après avoir terminé ce que nous avons réussi à bâtir (Why Sundays are so dépressing).

Pourtant, Julian reconnaît de manière assez autobiographique dans Not the same anymore que changer est difficile et demande un effort important. Et que l’incapacité au changement, notamment dans les relations amoureuses, peut conduire à la solitude. Enfin espérer qu’à la porte de nos vies, la solitude ne soit plus et que les blessures s’apaisent (At the Door).

Rick Rubin aux commandes

Pour soutenir ces textes, la voix de Julian apparaît plus naturelle, débarrassée des effets radio. Dans Selfless notamment la voix est très mise en avant, ou même très aiguë et parlée dans Eternal Summer. L’autotune est utilisé pour accroire le coté planant de At the Door. La collaboration avec Rick Rubin – producteur de tout ce que la musique américaine a fait de succès depuis 15 ans- se sent dans les arrangements plus subtils, qui laissent passer les émotions à travers les différentes sonorités, parfois même à l’intérieur d’un même titre de l’album.

On navigue ainsi entre les claviers électroniques et minimalistes de Brooklin Bridge et des intros d’At the Door et d’Ode to the Mets. Les longues intros et surtout outro, permettent de laisser s’exprimer la musique ou d’écouter les Strokes parler entre eux (et deviser sur le conservatisme de leurs fans).

Quoi qu’il en soit, ce dernier album des Strokes est incontestablement marqué par la « patte » et le talent de Julian Casablancas. La disparité d’Angles, réalisé après un travail séparé des différents membres du groupe, le succès mitigé des carrières solo comparé à la réussite et la créativité incontestable de Julian dans ses différents projets musicaux (The Voidz ou Daft Punk), a prouvé que sans la direction forte de son leader, les Strokes ne seraient pas le groupe salvateur et constamment créatif qu’ils ont été et qu’ils continuent d’être, et ce, malgré les critiques récurrentes dont ils font l’objet.

BAD DECISION – THE STROKES

NB : article initialement paru pour Cactus Concerto

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